• Manuel - français - 3

     

     

    Manuel d’introduction au métier de peintre laqueur décorateur

     

     

     

    Synopsis et contexte de l’œuvre de Manuel Diez Matilla

    Refonte au samedi 13 juillet 2013

    Par Christian Diez Axnick

    Partie 3

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Surtout, on étale la colle très très chaude au couteau, la plus chaude possible, en veillant à ne pas se brûler.

     

    b) Le ponçage des meubles, des tables et des panneaux

     

    Le ponçage est plus délicat avec les panneaux. Il faut y aller plus doucement, avec très peu d’eau au début. L’essentiel du ponçage se fait à sec. Une fois ceux-ci poncés on les laisse à nouveau sécher. Ce n’est qu’ensuite qu’on va les plaquer. Les panneaux sont les cotés et le dessus des meubles, les portes.

    A l’aide d’un outil et d’une règle, on peut déjà délimiter les contours du panneau, même parfois mais rarement celui des grecques, et le découper au ciseau.

    Les panneaux sont souvent peints et toujours roulés en boule avant l’étape du placage.

    Si on veut faire des craquelures manuelles, c’est aussi donc avant le placage, pas après.

    Le meuble peut déjà avoir été poncé avant d’être plaqué, surtout s’il est sec, mais de toutes les façons, c’est après le placage des panneaux qu’on laissera sécher avant de poncer à nouveau jusqu’aux finitions.

    a) Le placage

     

    Il se fait aussi très très chaud, c’est même l’étape ou la colle doit être la plus chaude possible. On utilise un couteau.

    Avant le placage, on peut nous venons de le dire faire des craquelures après avoir découpé le panneau.

    Pour cela on le place à l’envers sur une surface plane, une table, avec une moquette par-dessus. A l’aide d’une cale on va dans un sens jusqu’à obtenir une craquelure manuelle.

    Une fois cette opération terminée, on va plaquer le panneau, qui précisons-le peut déjà avoir été peint. C’est même mieux s’il a déjà été peint, car cela permet de vérifier au passage s’il a bien été poncé. Généralement ce sera du jaune pour un meuble cuir et du blanc pour un meuble ou une table ivoire.

    La colle étant brûlante ( mais jamais d’ébullition comme toujours ), à l’aide de la broche, on enduit de colle la zone du meuble ou viendra le panneau et on enduit de colle également le papier au verso du panneau. La broche doit être bien imbibée et la colle pas forcément trop épaisse, mais toutefois consistante. Sans perdre de temps, et en allant très vite, on plaque alors le panneau en s’aidant soit d’un couteau soit d’une cale.

    On dirige la colle vers les extérieur, le tout très chaud, et on nettoie les extérieurs avec une éponge humide pour retirer la colle qui vient en trop. Le panneau est plaqué au meuble ou à la table et collé. Tout doit se faire méticuleusement et très vite pour ne pas laisser à la colle le temps de refroidir.

    Plus tard on repassera une légère couche de colle sur les angles du meuble au cas ou de la colle serait partie avec les frottements sur les cales de sol revêtues de moquette durant le placage.

    V. La décoration.

    a) La laque cellulosique.

    Son avantage est dans toute la gamme de coloris des laques cellulosiques et dans la richesse et la lumière, la luminosité de ses pigments.

    Les trois couleurs complémentaires, à savoir le jaune, le rouge et le bleu permettent d’obtenir des couleurs très propres. Les couleurs doivent toujours être très propres sur la palette, surtout le blanc. Les gammes de verts sont par exemple très importantes et très belles en laque cellulosique, tout comme pour les bleus.

    Les oranges sont très beaux, plus encore s’ils ne sont pas entièrement dilués, mais laissent échapper des imperfections. Les couleurs terre sont moins fournies et moins riches qu’en peinture à l’huile. Par contre, la propreté des couleurs, les sur-tons créés avec des additifs, les patines, permettent de faire des choses, des paysages d’une profondeur qu’on ne pourrait presque pas créer avec la peinture à l’huile.

    Ce sont des couleurs suaves, sur les gammes chaudes ou froides. On peut comme à l’huile obtenir des tons neutres, de très beaux gris, des couleurs cassées, des blancs cassés. Seule le jaune de Naples et les tons chair restent plus réservés à la peinture à l’huile. Dans d’autres domaines décoratifs la laque cellulosique surclasse presque la peinture à l’huile, notamment par sa propreté et la limpidité de ses gammes.

    Les motifs ornementaux se font soit avec la laque soit avec les dorures.

    Jusqu’à présent, la peinture cellulosique a surtout traité l’art chinois ou japonais, l’art asiatique, donc les meubles chinois, ce qui correspond assez bien au sumi-e en peinture à l’eau. La technique avec les poils du pinceau est très semblable, les mélanges également, suivant que l’on imbibe un peu ou beaucoup le pinceau, suivant qu’il est fin, très fin, moyen ou assez épais.

    On peut faire des fonds avec des pinceaux épais.

    L’avantage de la laque cellulosique, est qu’on peut également créer des surépaisseurs, des hauts-reliefs, en l’additionnant de poudre de blanc d’Espagne et en la travaillant avec un petit couteau. Son diluant est le diluant cellulosique, son vernis est le vernis cellulosique.

    La laque cellulosique permet de réaliser d’excellents paysages exotiques, aquatiques, asiatiques, toutes sortes de motifs ornementaux. Pour les faire on emploie du talc et des feuilles de calque percées et quadrillées. On presse la poire pleine de poudre de blanc d’Espagne sur le calque. Les points blancs servent ensuite de repère pour les motifs.

    A titre indicatif, j’ai vu des paysages aquatiques faits par mon père, avec des sur-tons, des dizaines d’étapes de décoration, des éclairages, des ombrages, qui portent très haut ce que l’on peut faire avec la cellulosique. Il faut des heures pour réaliser certains décors, et seule la cellulosique permet de s’affranchir de certaines difficultés ou de venir à bout de certains impératifs picturaux, floraux. J'ai parfois pensé en observant les tables traçantes et les scanners employés dans certains bureaux d'étude par lesquels je suis passé, que le scanner permettrait de stocker des décors de façon optimale et propre. Et puis certains logiciels, comme Inventor Fusion 2013 ou paint, permettent de passer d'autocad à de la création d'esquisse de très bonne qualité.

    On peut aussi avec des diluants et des vernis cellulosiques travailler avec des poudres dorées de différentes pigmentations, pas seulement l’or. Ce sont des poudres spéciales, moins fines que la fugine. Répétons-le, on peut faire avec la cellulosique des choses qu'on ne peut faire à l'huile et inversement. C'est pareil pour l'eau, le pastel et d'autres techniques. L'informatique, l'émergence de l'infographie, les scanners high-tech, sont des éléments qui tardent encore à être utilisés dans nos corps de métier. Pourtant je voudrais bien stocker de très beaux calques si j'en avais les moyens. Il existe aujourd'hui des scansgrand format.

    b) Les patines

    Les patines permettent de vieillir les décors en employant le plus souvent du bitume mais aussi des sur-tons de couleurs variées additionnés à l’essence de térébenthine; parfois aussi on utilise un peu de peinture à l’huile en guise de sur-tons. Elles s’emploient pour réchauffer ou refroidir les tons lors de la décoration, partant du principe qu’un sur-ton jaune réchauffe et un sur-ton bleu refroidit ou éloigne.

    Son objet essentiel est tout de même de vieillir le meuble ou la table à la fin des décors en uniformisant le ton d’ensemble. Plus d’uniformité donne plus de cohérence et d’assurance à l’œuvre.

    Alors avec un chiffon on peut enlever de la patine et le bitume dans certaines zones pour faire rejaillir les endroits lumineux laissés éclairés. Cela met d’avantage en valeur les éclairages nuageux.

    Notons ici que les ferronneries sont patinées comme et avec le meuble.

    c) Le polyester

    Le polyester est un vernis très très dur, qui de plus en plus sert d’apprêtage, car il s’aplanit en surface, et devient très dur et transparent. Son seul inconvénient est qu’on ne peut pas travailler à la cellulosique, on doit se contenter de collages ou de peinture à l’eau. Il durcit très vite. Souvent, on utilise des cartons de couleur ou des posters sous le polyester. De grands aquarellistes, comme Le Guennec, ou Kinzinger, que mon père a connu à Montmartre et qui a passé deux ans sous le feu nourri des mitrailleuses allemandes, pourraient utiliser l’eau avec le polyester. Kinzinger aimait beaucoup faire des scènes religieuses sur la vie et la décollation de Saint-Denis.

    d) Le travail au pistolet compresseur.

    Le pistolet compresseur permet de suivre le travail à la main, par exemple pour des fonds, et de créer des nuages, en associant 2 ou 3 couleurs. Par exemple des nuages de rouge sur du jaune donneront avec le fumage un cuir foncé et réchauffé. Des nuages de rouge permettent ainsi de donner un ton chaud et orangé à l’harmonie finale.

    Même chose pour les tons froids, les bleus, les verts avec leurs gammes infinies au pinceau.

    Lorsque l’on fume le meuble on emploie donc un dosage de bitume, de diluant cellulosique et de vernis. Le jaune passe directement au cuir. Les patines plus tard permettront d’atténuer ou de renforcer suivant que l’on ajoutera un colorant bleu ou rouge ( surtint ).

    Il est possible, du moins j’ai le vague souvenir d’avoir vu mon père le faire il y a très longtemps, de travailler les neutres, ces tons marrons et ocrés qui servent de fond aux paysages.

    Un peu comme les XREF pour le logiciel AUTOCAD en informatique, qui est le standard mondial en matière de dessin industriel. Ce fond possède un ton et une couleur neutre ( 8 ou 9 ). C’est la même chose à grande échelle avec un meuble. Et comme en décoration les premières couches sont très importantes, et c’est la où il ne faut aucun vernis, mais des pigments de base qui aideront par la suite, il arrive qu’on le fasse au pistolet, mais c’est rare. C’est possible toutefois.

    Il est clair que de toutes les façons chaque fond est spécifique, et anticipe les couleurs du décor à venir. On peut malgré tout déjà faire une légère couche de vernis pour égaliser le fond avant de commencer à travailler tout le décor à la main. Mais il reste hors de question de trop mettre de vernis à la transition entre le pistolet compresseur et la reprise à la main du décor. Le vernis est comme toujours uniquement pour la fin.

    Il arrive, comme pour l’aérographe et le polyester, que l’on utilise des caches, mais généralement en cellulosique, ceux-ci sont maintenus à plus de 10 ou 15 cm du décor.

    On peut malgré tout dans certains cas masquer par exemple les grecques si elles ont déjà été gravées avec un rouleau de ruban adhésif.

    VI. Les grecques, la gravure.

    Les grecques se gravent sur les extérieurs des panneaux et parfois des médaillons. Leurs motifs exacts sont variables. Pour affûter les outils on recourbe l’outil en le tordant puis on ébauche la pointe avec une petite meule, puis la pointe est taillée avec une pierre sur laquelle on met un peu de salive. On fait venir l’outil en sens inverse.

    La pointe doit être bien au centre, et recourbée.

    Ensuite on place le pouce en bas à gauche de l’instrument, l’index et le majeur venant refermer l’outil, l’index au dessus.

    On emploie aussi une réglette en bois repérée et graduée par des encoches peintes tous les 3 ou 4 centimètres, suivant la longueur des grecques, ainsi que deux règles en acier. Une grande et une petite.

    Avec la grande règle en acier, après avoir tiré les premiers traits verticaux à la main en s’aidant de la règle graduée en bois, on tire les premiers traits horizontaux de part et d’autre. Le tout décrit et donne comme des S d’équerre alignés en long. Ensuite avec la petite règle ou directement à la main on referme les grecques d’étape en étape.

    Il arrive souvent que l’on grave des motifs variés, et aussi les décors, c'est-à-dire les feuilles, les arbres, les fleurs. Cela exige tout un apprentissage des normes de gravure.

    La gravure des décors, des paysages floraux est assez codifiée suivant chaque artisan.

    Parfois on met de la poudre d’or dans les striures, et avec une éponge, on l’enlève des surfaces planes. Celle-ci est dans un mouchoir ou un foulard en bulbe qui la laisse se répandre sur la surface et surtout à l’intérieur des striures ou la poudre d’or restera.

    On grave aussi parfois les filets, mais moins souvent. C’est plutôt lorsque ceux-ci seront dorés. A l'atelier, c'est moi le plus souvent qui faisait les grecques.

    VII. La dorure.

    Ce sont ces grecques qui lorsque le décor sera fini seront enduites de mixtion et dorées ou argentées à la feuille. Ces mêmes dorures seront légèrement patinées et uniformisées tout à la fin.

    Auparavant, on aura fait un peu ressortir le rouge de la mixtion avec une poudre blanche humidifiée, une espèce de talc, de façon à vieillir la dorure en faisant un peu revenir le rouge de la mixtion pour lui donner un ton rouillé. En effet, la mixtion est soit une mixtion artisanale du commerce transparente, soit le plus souvent et c’est plus économique une peinture glycérophtalique de couleur rouge, que l’on fera donc légèrement ressortir pour la marier avec l’or. L’or est peu esthétique lorsqu’il est seul, il a tout à gagner à être mis en valeur par des agents différents.

    Une solution à base de bitume permet de raviver la dorure pour finalement la protéger avec de l’alcool. Il ne faut pas se tromper dans le traitement de l’or, et je ne me souviens pas de toutes les recettes. Il ne faut pas inverser les étapes.

    VIII. Les patines, les sur-tons.

    Les patines s’additionnent de sur-tons. Beaucoup de gens ne savent pas patiner, car cette opération demande une grande force physique au niveau des bras et de l’avant bras. Bien patiner demande des dispositions physiques, une grosse vigueur à l’ouvrage, et c’est le plus important.

    Il est facile de mal patiner, mal patiner veut dire disposer une couleur sombre uniformisée, ce que les gens font le plus souvent, y compris avec la bande dessinée moderne. Je pense en particulier à l’aérographe à l’eau, qui en réalité ne fait que reprendre une partie négligeable du principe de la vraie patine, dont l’un des buts essentiels reste de vieillir.

    En ameublement, on patine à la fois pour vieillir et pour donner davantage de qualité aux éclairages et aux sur-tons, on n’uniformise jamais complètement l’œuvre, au contraire, on la laisse un peu irrégulière. Pour cela on ajoute très peu de térébenthine avec le bitume, et cela se fait à la force des bras, en appuyant fort et en avançant irrégulièrement, mais progressivement.

    Beaucoup d’artisans, y compris les asiatiques, ne savent pas patiner. On ne patine pas

    s’il n’y a pas lieu de le faire, comme sur les nacres par exemple dans les chinoiseries, ni sur le polyester.

    La patine fait partie d’un tout, d’un ensemble artistique de coloris, de gammes, d’éclairages, d’une composition. Elle demande vigueur et force physique, très peu de térébenthine, une surface propre débarrassée de toutes poussières.

    C’est l’étape la plus importante, celle qui donnera non pas l’uniformité mais le caractère final des pigments. On ne peut pas la prendre à la légère, et c’est à la sueur de son front que mon père décidait des finitions, en payant de sa personne. Il n’était pas question de mettre une forte dose de térébenthine et d’attendre que tout le décor épouse une seule teinte uniforme, ça jamais.

    Une bonne patine nécessite une grande puissance et vigueur d’exécution, associée à une forte compréhension décorative, à une bonne interprétation des décors.

    IX. Les vernis, la finition.

    Les vernis viennent tout à la fin. Ils servent à fixer la patine sur la laque et l’ensemble du décor. Leur composition comme celle des patines peut varier légèrement, suivant qu’ils auront plus de vernis ou plus de térébenthine, qu’ils seront plus ou moins liquides ou épais.

    Il vaut mieux les faire avant la dorure, puisque les finitions sont à l’alcool. Il ne faut pas trop en mettre sur les grecques.

    Le vernis incolore a pour principe d’être passe-partout, et de bien fixer la laque.

    Il faut surtout que la patine soit bien sèche et ait bien pénétré avant de vernir, et que le vernis ne soit pas trop dilué, ni trop épais.

    Pour cette étape, le pistolet compresseur est assez indispensable, du moins plus que partout ailleurs. Son réglage s’effectue à la fois suivant la pression du pistolet, et aussi suivant la distance avec le support.

    X. Les réparations, les rebouchages.

    Les réparations sont ce qui coûte le plus cher à l’artisan et ce qui l’intéresse le moins financièrement.

    Mais il doit les faire, car c’est un gage de stabilité et de sérieux pour son entreprise. Lorsque c’est bien fait, bien conçu, et vite fait, c’est bien. Il ne faut pas que cela traîne en longueur ou que ce soit mal fait.

    On répare bien sur en réutilisant du blanc d’Espagne, c'est-à-dire de la colle si le bois est à nu. Si le bois n’est pas à nu on peut employer de la laque cellulosique à froid, mélangée et épaissie avec de la poudre de blanc d’Espagne.

    Il faut toujours nettoyer et dégraisser les surfaces du meuble ou de la table qui ont pris des coups et qui sont à réparer. On peut lorsqu’on va chez le particulier réparer directement en prenant un peu de vernis teinté, à peu près comme celui qui s’utilise durant le fumage, de façon à maquiller les imperfections et les défauts.

    Il faut aussi avertir le client et le mettre en garde. Il est arrivé qu’un client pose un fer à repasser chaud et brûlant sur le décor d’une table. La laque est fragile, et plus encore avec le temps, lorsque par exemple l’humidité commence à pénétrer les apprêtages dès qu’un trou ou un petit bobo s’est formé. Les coins humides sont déconseillés. De tels meubles ont plus à gagner à avoir des espaces vides et aérés de part et d’autre.

    Peinture à l’huile, à l’eau, pastel, laque cellulosique, les décors, les natures mortes, les paysages peuvent être traités sur tous les supports possibles et imaginables.

    XI.Conclusions.

    On l’a vu, l’offensive contre les vieux corps de métiers existe, elle est réelle. Il y a une réelle confusion qui s’est opérée entre la modernisation, le progrès, et ce qu’on en a fait, c'est-à-dire que l’on s’est attaqué aux industries anciennes alors qu’elles sont le préalable, le prélude à toutes les industries. Et cela sous le prétexte de modernisation, sans tenir compte de la qualité.

    Il est alarmant de constater comment des masses budgétaires, des subventions importantes, vont à des secteurs dits modernes et créateurs d’emploi, et pas à d’autres non moins créateurs d’emploi. Toute formation se juge sur le niveau et la qualité.

    Les multinationales ne l’entendent pas de cette oreille et voient d’un mauvais œil le gisement d’emplois que représente l’artisanat et ne comprennent que leur profit.

    Pour contre-attaquer il n’y a pas que la loi du nombre, mais il est clair que quelques individus seuls ne peuvent rien. Il faudrait que l’industrie artisanale puisse avoir le même pouvoir économique qu’à l’époque des comptoirs, et nous n’en sommes pas encore là pour le moment.

    Il n’y a pas de plan concerté à l’échelle nationale, c’est aux partenaires industriels d’en décider et de s’asseoir à une même table.

    Enfin, il faut rendre hommage à ceux qui ont fait la profession et se sont battus toute leur vie pour elle, ceux dont on ne parle jamais, dont la bonne foi n’est plus à démontrer, et pas à ceux qui l’ont abattue en détournant le principe de l’impôt ( l’URSSAF ) à leur propre profit et pour des profits bureaucratiques.

    Qui dit fin de l’artisanat dit fin de la liberté d’entreprendre et fin de la liberté tout court. On n’insistera jamais assez là-dessus.

    Les trois dernières années de la vie de mon père se sont déroulées à Montmartre, quartier qu’il connaissait comme sa poche. Le quartier de l’aquarelliste Kinzinger, qui a passé deux ans sous le feu des mitrailleuses allemandes. Il aimait beaucoup faire des aquarelles sur la vie de Saint-Denis comme je l’ai dit. Mon père connaissait tout le quartier, et toute son histoire, de Charles-Nodier à Marcel Aymé, jusqu’à Cézanne, Van Gogh, Utrillo, Gen Paul et tant d’autres. Tous les grands peintres avant, pendant et après l’impressionnisme son passés par là. Notamment par le musée de Montmartre, au 12 rue Cortot ou il a peint et travaillé. Le bateau-lavoir de Picasso est juste en bas.

    Il était membre de l’association « Les amis d’Utrillo » et aussi adorateur à la basilique du sacré-cœur. Nous allions souvent à la messe de 22H00, et il connaissait bien les gens, les habitués du quartier, les gens de la Butte en quelque sorte.

    Il a beaucoup peint à Montmartre, surtout des vues avec Marthe Vertex ( et non Berthet ), veuve du poète Jean Vertex, qui lui a souvent servit de modèle.

     Utter et Suzanne Valadon, les parents d'Utrillo, ont habité l'appartement, en dessous duquel vivait Claude Estier, que mon père abhorrait également et qui n'était jamais là.

    Juste à droite. C'est à ces étages que mon père a sauvé bon nombre de sculptures et d'objets pour lesquels il a fabriqué et posé des établis en menuiserie.

     A l'étage au dessus de son appartement logeait Claude Charpentier, que mon père détestait au plus haut point, il faisait un vacarme incroyable, avec sa fille, que je n'ai jamais vu et qui était je crois paralytique.

      Paul Yaki parle dans «  Le Montmartre de nos vingt ans » p.103 à 105 d’Octave Charpentier. Il décrit très bien le 12 rue Cortot dans ces pages. Raoul Dufy est passé par là aussi, Emile Bernard aussi.

     Charpentier séquestrait quelqu’un, sans doute sa fille. Mon père ne cessait de pester contre lui et de donner des coups de balai au plafond pour faire cesser les bruits de gémissements. Quoiqu’il en soit, il le considérait comme un «  imposteur ».

     On pourrait en ce qui concerne cette période artistique de sa vie  parler d’ hypozeuxe ( ou parallélisme ). Mme Vertex était une des seules personnes qui lui faisait confiance, et en qui il avait confiance, l’ancienne propriétaire de l’appartement d’Utrillo comme nous l'avons dit. On pourrait aussi parler d’énallage, qui est l’échange d’un temps, d’un nombre ou d’une personne contre un autre temps, un autre nombre, une autre personne. Elle était une femme de transition, son hégérie et sa dernière muse.

    Il a fait quelques autoportraits qui contiennent une certaine angoisse et une certaine interrogation et intro ou rétrospection, comme les toiles qu’il a fait avec des tonalités froides bleues et vertes de ma grand-mère évoquent assez bien sa maladie, l’alzheimer. Sa peinture collait de très près au sujet.

    A l’époque, car Montmartre est la dernière époque de sa vie de peintre, et un peu son quartier d’adoption et de mort, je l’avais emmené au salon des indépendants exposer avec le peintre catalan, le surréaliste Prudencio Salvador Asencio, un ami qui était venu chez nous à cette occasion.

     Il allait souvent à la basilique, ou il connaissait une vielle dame aveugle; il était adorateur, son ami le père Charnin, un prêtre suisse,  venait souvent lui rendre visite au musée.

    Synecdoque, métonymie et métaphore sont les trois tropes plus communément appelés figures de sens que l’on retrouve dans son œuvre. La synecdoque est fondée sur une relation d’inclusion, la métonymie sur une continuité logique ( prendre la partie pour le tout ), quant à la métaphore, elle est fondée sur une relation d’analogie.

    En fait, on retrouve beaucoup de figures de style dans son œuvre, même si celle-ci est difficile à interpréter.

    Il est vrai que la peinture s’est humanisée, démocratisée, et même répandue à grande échelle, mais en définitive, on a très peu parlé de la peinture au vingtième siècle d’un point de vue intellectuel.

     Les seuls qui ont donné une autre image de la peinture sont les successeurs de Freud et de Jung, les Lacaniens, je pense en particulier à Ollivier Kaeppelin, ou à quelques autres écoles de psychiatrie en Europe. Disons ceux qui ont expliqué une partie de la peinture par les figures de style. Depuis Aristote jusqu’aux tropes du vingtième siècle, beaucoup de choses ont évolué.

    Mais pour le reste, et c’est une constante, on a laissé les artistes un peu à l’écart.

    Et puis quelque part, un artiste est toujours un peu fou aussi.

    Mon père a connu de son vivant beaucoup de grands artistes, on ne pourrait pas tous les citer. Mais au cours de sa vie, il en a côtoyé un grand nombre. Il a eu l’occasion de prendre position pour Francis Bacon face à un journaliste, qui est un peu en Angleterre l’héritier de Turner et d’Edward Burne-Jones, en ce sens que comme mon père il avait tendance à créer des troubles et à éveiller les sensibilités un peu partout. Il a connu aussi de très grands artistes asiatiques, italiens, français, espagnols. Il aimait beaucoup Fujita, et ce célèbre photographe américain, Man Ray. A vrai dire, tous sont passés par le musée Cortot, qui fait un peu ici office d’entonnoir de la Butte, c’est le lieu d’un certain vulgus chanté par Francis Carco et bien d’autres, juste un peu plus haut que le Lapin Agile. Des artistes de toutes tendances, de tous les milieux, s’y retrouvaient.

    Montmartre est un peu une galaxie à part. Montparnasse est une petite réponse.

    C’est plutôt le quartier des américains.

    Il est clair pour prendre un peu de hauteur de vue que Jésus est pan turc dans une certaine mesure, la Turquie étant un des pays au monde qui dispose du plus grand nombre de lieux saints toutes confessions confondues. C’est là ou se trouve le tombeau de la vierge Marie, le lieu ou Paul a été emprisonné, ou se trouvent les restes du prophète Mahomet. En vérité, on dit que la mère de Jésus a simplement vécu là, c’est tout.

    Quoique Jésus en plus du grec et de l’hébreu parlait l’araméen, langue dont est assez proche l’église assyro chaldéenne, tant critiquée dès que des ministres prétendent faire preuve de laïcité. Le mot Jésus a la forme d’un poisson en grec.

    D’ailleurs, j’ai connu Rénara Delatre, une des plus grandes pianistes grecques du monde, d’origine turkmène et azérie. Le fait que le Christ ait un titre universel, est du à la baisse de fréquentation des églises, à la crise des vocations. C’est aussi une façon comme Saint Thomas de réduire les choses à leur plus simple expression, à l’essentiel.

    Je dirais que la découverte de l’évangile de Judas devrait apporter un éclairage capital au monde civilisé.

    Je me souviens être allé à une messe avec Nina en hommage et en souvenir du président Poher.

    L’église de France est plus active qu’on ne croit. Et surtout, elle fait preuve de modestie, d’attention et n’avance qu’avec d’infinies précautions.

    Certains ministres par le passé, qui n’hésitaient pas à appeler à la haine raciale contre l’église, ou la qualifiant de secte, sont des gens qui dans une démocratie normalement constituée, devraient être jugés et aller en prison. Leur ignorance va de pair avec leur conception totalement parvenue, les énarques ne savent plus ou donner de la tête, ne cessent d’attaquer à coup de jeunes ministres.

    Des gens très opportunistes sont une fois de plus passés à travers les mailles du filet.

    La séparation entre l’église et l’état est une chose, mais ce qui consiste à rabaisser des pans entiers de l’église officielle en est une autre. C’est à la justice de se saisir de telles déclarations.

    C’est un autre volet de notre société, celui du laisser-faire, celui d’une bureaucratie parlementaire totalement instrumentalisée, qui joue sa partition inlassablement, assène ses coups contre les plus misérables, les plus pauvres. Comme s’il était devenu du jour au lendemain honteux de construire une église orientale assyro chaldéenne ou une mosquée.

    Il manque un contre-pouvoir, une capacité de réaction et de soulèvement.

    Et seul le peuple peut proposer des solutions, au besoin de sévir, de punir des gens qui s’expriment selon eux au nom de tous et de la collectivité nationale tout entière, rien de moins. Il faut doter nos institutions d’un vrai pouvoir judiciaire contre les François Fillon et autres fossoyeurs de la république.

    Le génie des artistes d’hier, celui des artistes de demain, sera toujours de divertir, d’éclairer les masses en refusant de courber l’échine devant des normes décrétées au fur et à mesure que l’on opprime les couches les plus pauvres de la population.

    Un artiste produit des richesses de ses propres mains, il n’a pas à en avoir honte.

    Ceux qui devraient avoir honte aujourd’hui, c’est toute la cohorte d’hommes politiques qui ont fait de la cinquième république une antichambre de la troisième, un système implacable ou toute initiative est irrémédiablement stoppée par ceux qui pensent avoir le droit de décider de qu’est ce qui est bien et qu’est ce qui est mal.

    C’est leur propre lecture du droit qui n’a pas de sens. La principale crise de la démocratie réside dans le simple fait que l’on puisse admettre que le droit soit régi d’une telle façon par quelques uns, martelant constamment leur vision du monde.

    Comme l’écrivait Gautier : « Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses ».

    De là même façon, il s’agira un jour de continuer l’œuvre accomplie, et de continuer le chemin qui a été tracé. Sartre a critiqué Gautier remarquez, je crois qu’il avait un peu raison aussi de se démarquer déjà.

    Mon travail et mon expérience passée comme archiviste au Louvre des Antiquaires au même moment que les travaux du déplacement de la Joconde m’ont rappelé que le Louvre est le plus grand musée du monde, le symbole de l’art en France.

    La France n’est pas une démocratie comme les autres. La preuve en est qu’on a fabriqué des tonnes de zyklon B à Villers-saint-Sépulcre, dans l’Oise, pendant la guerre, comme on en produisait à Dessau, près de Halle, en Allemagne orientale. Le pays a connu ses heures sombres, ses heures de chaos et de laideur, comme tous les autres pays.

    La patrie des droits de l’homme a largement collaboré à l’anéantissement de la civilisation occidentale.

    Mais quand je lis les travaux du mathématicien H. E. Huntley sur le nombre d’or, quand je mesure l’étendue infinie de ce que peuvent apporter les mathématiques à l’art, je m’aperçois que l’espoir existe, il est tangible et palpable. Et je me surprends à faire des recherches et à formuler des hypothèses mathématiques, car comme l’écrivait Poincaré : « L’expérience est seule et unique source de vérité ».

    Saint-Louis s’est rendu une vingtaine de fois à l’abbaye de Royaumont, où j’ai trouvé le livre du mathématicien anglais H. E. Huntley et Marguerite Neveux. Le recul pris sur les civilisations de l’antiquité donne un autre aperçu des mathématiques, qui tend vers la synthèse.

    Cette expérience, cette approche du beau, par exemple des rapports entre phi ( φ = 1,61803, φ’ = 0,61803 ) , le nombre d’or, et pi ( π = 3,14 ) ou d’autres dimensions mathématiques très nombreuses dans le domaine de la géométrie et de l’algèbre, dont √ 5, cette permanence de la construction artistique nous permet de nous rapprocher d’un tableau qui serait celui de notre rapport actuel à l’art et à la beauté, celui de l’image de notre propre dimension projetée sur nos réalisations architecturales et autres.

    L’homme a souffert de ses expériences, et il a encore tout à apprendre. Les travaux de Fibonacci ( Léonard de Pise ), sa célèbre suite, comme les triangles de Pascal, le triangle chinois, sont autant d’éléments qui prouvent l’ancienneté des investigations au sein des mathématiques et l’importance considérable du rapport d’or.

    Le mythe du nombre d’or φ = ( √ 5 + 1 )/2 et φ’ = ( √ 5 - 1 )/2 s’étend à la musique, à la peinture. On le retrouve partout dans la nature. On le retrouve dans le dessin industriel, du bâtiment, de la plomberie, de la climatisation.

    On le retrouve toujours un peu par surprise, à l’improviste Dans les grecques, dans les décors floraux, dans tout ce qui rend l’artisanat consistant et constant.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :