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Psy - 4 - français
Manuel Diez Matilla : un destin oublié
Psychanalyse de l’œuvre de Manuel Diez Matilla
4ème partie
Refonte au samedi 8 décembre 2012
Par Christian Diez Axnick
Tu es sorti et tu es parti.
S’il est un ouvrage que je recommande au amoureux de Montmartre, c’est le
« Guide de Montmartre » ( Guides Horay ), qui s’attarde à décrire avec une
extrême minutie toutes les rues et leur légendaires locataires, tous les lieux
prestigieux, les adresses des impressionnistes, sans compter la mire du Nord,
au 3 rue Girardon, chemin des deux frères.Lorsque je suis allé au concert de Maurane « O Nougaro », elle a confié au
public que Claude Nougaro et Diane Dufresne ont habité Montmartre, ou elle
s'est produite également.
Ci-dessus un meuble réalisé par mon père à l’atelier dans les années 70.Rigueur et sobriété des tons cuirs caractérisent l’œuvre.
La toile de Dali, souvenirs d’Afrique témoigne elle du mysticisme de l’artiste,
et au delà des courants modernes de l’époque.C’est en revanche un homme un peu seul et paisible, face à lui-même et à son destin,
sur le cliché du bas que nous retrouvons.Le contraste est saisissant, il témoigne bien de la réalité. Ci-dessous le fameux
tapis de la création à Gérone. Une pièce unique. Mon père ne l’a pas vu. Je
risquerai cependant un parallèle dans le domaine des idées forces.
En effet, s’il est une réalité difficile à élucider avec un peintre comme
Manuel Diez Matilla, c’est de savoir comment il a pu rayonner sur la peinture
durant des décennies, insuffler un tel esprit, avant de périr dans l’oubli et
d’horribles conditions de fin de vie. Son calvaire a duré deux ans, et personne
n’a eu le courage de l’abréger.Oui, il ne faut pas l’oublier en dépit des systèmes de propagande bien rôdés qui
existent, mon père venait d’un milieu ouvrier et modeste, il a toujours été
modeste. Le Toro de mon enfance, et à un niveau beaucoup moindre la Castille,
le pays basque et Madrid, sont à l’époque des régions assez misérables. La
misère est encore partout. La langue, basque, et au-delà la civilisation
indo-européenne vivante dans le monde basque, est une grande langue, très
intéressante.
Toro est un des principaux berceaux de la chrétienté en Europe, mais aussi et
surtout un bastion populaire, un lieu ou l’expression du peuple, ses tendances,
ses goûts, ses traditions, sont quelque chose qui est encore resté très fort.
Le lien avec le moyen-âge, avec le siècle d’or, le style plateresque, avec les
origines mauresques, la gouaille populaire, l’enracinement de ce lieu magique
du christianisme, tout cela a conditionné les structures mentales de l’artiste.
Les « Toresanos » sont des gens d’un certain goût, d’un certain art
de vivre. Honnêtement, lorsque mon père a démarré dans la peinture alors qu’il
avait à peine 4 ans et se fabriquait des soldats avec l’argile du Téjar vers 8
ans, des billes, il demandait souvent l’avis de mon grand-père ou de ma
grand-mère, il était trop petit pour suspecter son talent, et essayait de voir,
de savoir ce que les autres pensaient de sa peinture. Une fois plus grand, il
continuait à leur demander leur avis, et aussi celui de sa sœur avec laquelle
il est toujours resté très proche, ma tante Angelita.
A l’époque, la liberté d’aujourd’hui, le mépris affiché pour les conventions,
tout cela était absent de la morale chrétienne, cela n’existait pas, purement
et simplement. Les gens étaient et vivaient heureux, l’idée même de haine comme
de nos jours n’existait pas. Seule la guerre civile a bouleversé une importante
partie des esprits et des comportements. Mais ce monde ouvrier, sécularisé et
au mode de vie si paisible, vif, aux forces puissantes, vivait dans un cadre
très ancien encadré en partie par l’église ou mon père devait puiser
nécessairement son inspiration.A vrai dire, c’est la puissance de son génie qui devait peu à peu le mener à de
plus grands projets, dont celui d’émigrer en France une fois sa décision prise.
Il faut donc considérer le cadre de la naissance de son œuvre. Et aussi sa
faculté à changer brusquement de direction.Son départ en France correspond à un changement brusque et soudain. Il devait
envoyer un peu d’argent à ses parents, comme la majeure partie des immigrés.
Comme il l’a toujours dit, il est venu en France pour travailler, ce que bien
des gens ne comprenaient toujours pas ici.
Le peuple espagnol est un peuple d’un goût immense, et mon père synthétisait
bien cet acquis prodigieux, qu’il n’a cessé de faire fructifier. Je dois le
dire ici, étant d’une constitution physique assez faible, sa vigueur physique
était énorme, quel contraste avec sa fin de vie ou il n’était plus qu’un légume
de quelques kilos. En France, le médecin lui avait confié qu’il n’avait jamais
vu des poumons comme les siens. C’est dire s’il était fort, et travaillait
d’arrache-pied. Il faut une sacrée dose de force physique pour peindre et
travailler avec les pinceaux et la peinture comme il l’a toujours fait. Il
avait aussi le coup d’œil, l’intelligence du maître accompli.
Comme partout et toujours, ombres et lumières nous habitent. Manuel Diez est
vraiment le peintre qui a su donner une direction, dégager de vraies solutions
d’avenir. Son aventure picturale commence sur les rives du Duero, le long des
châteaux et des paysages de Castille, et se termine à Paris, en passant par une
bonne partie de l’Europe, la Sologne et le pays basque notamment.
Beaucoup de ses œuvres se sont dispersées. Et puis il a fait tant de meubles,
de tables pour le décor du logis, Mme Mush, Mme Weintraub, le grand trianon à
Versailles, le petit trianon aussi je crois, tant d’autres clients, Biarritz,
Deauville, Tours. Son œuvre gigantesque est aujourd’hui éclatée un peu partout
dans le monde, elle s’est dispersée à travers toute la famille et les amis, les
acheteurs.
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