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    Manuel Diez Matilla : un destin oublié 

     

     

     

    Psychanalyse de l’œuvre de Manuel Diez Matilla

     

    1ère partie

     

     

     

    Par Christian Diez Axnick

    Refonte au 8 décembre 2012

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Trinke noch ein Tröpchen,

    Trinke noch ein Tröpchen,

    Trinke noch ein Tröpchen,

    Aus dem kleinen Henkeltöfchen.

     

     

    I. Introduction

     

    a) Avant-propos.

     

    Mieux expliquer la vie d’un grand artiste.

     

    Un auteur qui pourrait bien se rapprocher des idées de Manuel Diez Matilla serait
    à priori le génial Villiers de l’Ile Adam, qui se rapproche lui même de Goya
    dans sa vision sarcastique et ironique de la mort. Des auteurs poétiques comme
    Rimbaud et Verlaine lui sont assez proches, en ce sens qu’ils ont comme lui
    fréquenté les groupes à risques. Mon père aimait beaucoup rire de la mort et
    des vieux os que nous ferions.

    Comme lui à la fin de sa vie ils ont été au plus bas.

    Paul Verlaine est mort à Paris, rue Mouffetard, non loin de l’appartement ou est
    mort également Hémingway. Tout le monde se souvient de son « Tournez, tournez,
    chevaux de bois ! » qu’il avait emprunté à Antonio Machado, un des plus grands
    poètes castillans du début du siècle dernier.

    Freud est un des premiers à tenter une approche moderne, notamment de l’œuvre d’art.
    Ses tentatives sont précieuses pour mieux comprendre et cerner ce grand peintre
    qu’était mon père. Ionesco est également un grand esprit critique,
    anticonformiste et théâtral. Il représente le théâtre de l'absurde avec
    Beckett.

    Victor Hugo a chanté Toro, sa ville natale, dans Torquemada, puisque c’est à la fois
    la ville natale de mon père, et celle de la victoire du roi Sanche. Une église
    lui est dédiée à Paris. Manuel Diez Matilla, il ne faut pas l’oublier ici,
    constitue un pic dans la recherche et l’expression picturale née des remous de
    l’impressionnisme.

    Peintre espagnol au sens le plus pur, il sera en revanche beaucoup plus pro-français
    vers la fin de sa vie. Et même extrêmement pro-français. Encore qu’il se
    sentait «  Buen español ».

    Ce tableau précédent est une vue de Toro, avec la Colegiata en haut. Le Duero est
    en contrebas de la ville, le Téjar, la propriété familiale, le domine et offre
    une vue magnifique.

     
    Le Duero est à l’Espagne, et aussi au Portugal, ce que la Mekera est à
    l’Algérie, un fleuve fier et soudain.

    Lorsqu’il était gamin, mon père descendait du haut de la ville au Téjar, la briqueterie
    familiale, en courant et en culottes courtes. Il travaillait beaucoup à la
    briqueterie et manipulait l’argile, se fabriquait de petites statuettes.

    Dans une des maisons à flanc de colline, parfois il s’arrêtait en montant ou en
    descendant, car le propriétaire de celle-ci avait un des premiers microsillons.

    Il écoutait donc la voix d’or de Tino Rossi sans se lasser aux portes de cette
    maison.

     

     

     

     

     

    Sa sœur, Angelita, dont on voit ci-dessus dépasser la tête à droite, est la
    première de la famille a être venue travailler en France pour la baronne Goury
    de Roslan ( née Moltke ) dont j’ai déjà parlé dans le manuel d’introduction.
    Mon père a suivi, puis ses deux frères sont venus ensuite. L’un avec sa femme
    Meré, à ne pas confondre avec l’ami mathématicien de Pascal, a travaillé aussi
    toute sa vie pour la baronne, c’est Vicente. L’autre est Vénancio, qui était
    maçon. Ses fils, c'est-à-dire mes cousins, sont Bernardo, Ramon, José-Mari et
    Mari(e).

     

     

     

     La propriété de Mme la baronne, que repris Seydoux, l’ami de Mitterrand. En effet,
    la baronne, qui était très riche et possédait pas mal de terres dans la région,
    notamment du bois, vendit Frogères et parti au Lavandou, à Bormes, avec Méré,
    Vicente, Angel et javi. Seydoux, un grand milliardaire français, fit un peu ses
    débuts en lui rachetant le château, ou il reçut François Mitterrand d’après ce
    qu’on m’a dit, car les deux hommes étaient très amis. C’est le début de la gauche
    caviar, et une forme de transition, puisque c’est un peu pour nous la fin d’une
    grande époque de liberté. Nous avions joui de la nature solognote durant des
    années. Nous descendions souvent les week-ends voir Angelita et le
    reste de la famille avec la fiat 238 de mon père. Nous passions par orléans,
    puis La Motte-Beuvron. Frogères était un paradis ou nous vivions et sortions.
    On voyait les lapins, les cerfs traverser les sentiers forestiers, les
    sangliers. La force de la nature était vivace et impressionnante.

    Mme la baronne finit par être obligée de vendre, et elle le fit à bon prix.
    Reconnaissons humblement à François Mitterrand d’avoir joué aussi non pas un
    rôle de promoteur, mais d’avoir été utile à la mise en valeur de ce patrimoine
    foncier. La baronne était d’une très grande et très riche famille.

    Cette alternance fût pour nous la fin d’une immense illusion et d’un immense rêve
    toutefois.

     

     Pour l’anecdote, une fois ou l’imprésario de la cantatrice Teresa Berganza avait eu
    un petit ennui mécanique sur le périf, il avait fait appel à Ramon, qui tient
    encore un garage de nos jours, non plus à Saint-Mandé ou il a toujours son
    pavillon mais à Bagnolet. Ramon est le deuxième fils de Vénancio, le maçon.
    Bernardo est le fils aîné et José-Mari le benjamin. La dernière est une fille,
    mariée et mère de deux petites filles aujourd’hui.

     Mon père était très proche de sa sœur, même si elle n’était pas facile à vivre.
    Leurs liens réciproques étaient forts et puissants. C’était une lionne, elle
    représentait vraiment l’ancienne Espagne.

     Freya Von Moltke a laissé un livre pittoresque ou elle retrace la vie de sa famille,
    qui était la principale famille d’importance opposée à Hitler dans l’Allemagne
    nazie. Son titre est « Errinerung an der Kreisau », et il retrace l’histoire de
    la maison ou a le plus longtemps vécu la famille Moltke.

    Cet ouvrage est riche d’enseignements à la fois sur la douceur de vivre et les
    vicissitudes de l’opposition Allemande de l’époque au régime en place. La
    baronne descendait à la fois des Moltke, mais aussi je l’ai dit avait également
    un lien de parenté quoiqu’éloigné avec Joseph, le frère de Napoléon, celui qui
    me semble t’il a été roi d’Espagne à une époque reculée.

     

     

     

     

     

    Sur cette photo je suis très jeune en compagnie de mon père. Mon père aimait
    beaucoup les enfants. Il peignait tous les gosses du quartier. Le cliché
    suivant est encore plus ancien. Aujourd’hui j’ai tout de même 49 ans. Là j’ai
    moins de 8 ans. Quelle joie de vivre m’habitait en sa présence, et quelle
    admiration sans bornes je ressentais pour lui, ce qui était moins le cas de mes
    deux frères.

     

     

     

    En bas à gauche, mon frère David, mort assez jeune. On le voit, Manuel Diez qui a
    été lui même un artiste très précoce et d’une force comme d’une confiance en
    lui peu commune, aimait beaucoup les enfants. Sur cette photo, une des rares
    très jeune de lui, il semble se délasser et partager un moment de détente avec
    nous. David était un peu le mal aimé de la famille, le plus fragile. Sa fin
    sera tragique et obscure. Il est mort quelques années après mon père.

    Manuel Diez, s’il était un homme assez conservateur et autoritaire, et un père
    attentionné et très aimant, n’en était pas moins un artiste de haute volée et
    incroyablement moderne. Sa carrière inimaginable atteste de son haut degré
    pictural.

    Jamais il n’a manqué de la plus grande maîtrise.

     

     

     

     

     

     Sur la photo du dessus, il a environs la quarantaine. Il fume. Il cessera le tabac
    radicalement et d’un seul coup peu de temps après. J’y fais figure de jeune
    sportif. Je suis également en train d’arrêter.

    Je prends des nicopass avec le docteur Garnier.

    J’ai tout de même totalisé une quinzaine d’années de sport de haut niveau, en rugby
    et en athlétisme. J’ai notamment travaillé deux ans avec Sonny Lipson, le
    principal rival de Guy Drut à sa grande époque.

     Les deux seuls titres nationaux qui ont échappé à Guy Drut, celui du 60 m et du 80
    m haies en cadet, lui on été ravis par Sonny. Leur rivalité était importante,
    et tous deux étaient de jeunes espoirs olympiques. Ce sont probablement les
    deux années les plus dures de ma carrière, qui devaient nous conduire à un
    titre de champions Ile-de-France par équipe. Sonny était un grand représentant
    de l’apport des athlètes de couleur au sport national, c’était un très grand
    technicien, même s’il était de petit gabarit. Après, il est vrai que les
    athlètes de haut niveau bénéficient de soins, de tout un suivi médical en
    corrélation avec les travaux des plus grands chercheurs. Une médaille d’or aux
    jeux comme celle de Drut, qui a profité d’arbitrages scandaleux face à Lipson,
    coûte en moyenne la bagatelle de 3 milliards de centimes, le prix d’un
    hélicoptère alouette. Harald Schmitt est son grand successeur aussi, Guy Drut
    étant un grand champion. Notre Guy Drut national comme on dit.

    Il y a même eu des films de réalisés mettant en exergue la rivalité sportive entre
    Guy et Sonny, dont un polar avec des dialogues de Michel Audiart. J’ai joué au
    rugby trois quart aile droit, face aussi au fils de Guy Drut, qui jouait à
    Coulommiers, pas mal d’années plus tard.

    En rugby j’ai tout de même battu des champions régionaux, interrégionaux, presque
    même nationaux. J’ai même joué titulaire à l’arrière dans une équipe de Gonesse
    qui comptait jusqu’à 8 internationaux, ce qui n’est pas rien. Beaucoup de
    tournois remportés aussi, et de dents laissées au combat, mais aussi à cause
    des sucreries.

    Je me souviens d’une fois ou mon père est venu nous voir jouer avec des amis
    catalans.

    Il se passionnait pour un rien, même parfois pour le sport. Ce qu’il aimait le
    plus, c’était toutefois la gymnastique et la natation. Je connais bien la
    gymnaste Isabelle Sévérino, puisque j’ai travaillé chez Nord Ingénierie,
    société dont son père était le gérant à l’époque. Je faisais notamment des
    stations d’épuration et de traitement d’eau.

     

     

     

     

    Sur cette photo de famille, mon père est dans la force de l’âge, il est à l’apogée
    de sa carrière picturale et artistique pour mieux situer les choses du point de
    vue chronologique et psychologique.

    Rien ne lui échappe dans le métier. Sa vista, sa force est exceptionnelle. Son sens
    de la couleur, des coloris, de la lumière est alors indescriptible. Je
    n’hésiterais pas à le dire, il est alors un des plus grands artistes peintre de
    son temps, et sera un des plus grands que laissera le siècle qui s’est écoulé.
    Rares sont les artistes espagnols qui m’ont autant impressionné que lui.

    Il a évolué tout au long de sa vie en effectuant comme une sorte de transition, de
    translation, de l’Espagne primitive qui l’a opprimé et rendu à moitié sourd (
    un coup de poing d’un curé alors qu’il s’était assoupi en classe ) vers la
    France terre de liberté et d’expressions nouvelles.

    On le sent très décontracté, très à l’aise sur cette photo, comme libéré. Ce ne
    sera pas toujours le cas un peu plus tard. Pour moi, en toute honnêteté
    intellectuelle, il est alors comme je l’ai dit déjà un des artistes majeurs que
    compte la France. Pour tout dire il n’a déjà pratiquement plus rien à prouver.
    Il sait absolument tout faire, et il fait même des choses que personne d’autre
    ne fait. On peut dire que vers cette époque, vers la deuxième moitié des années
    70, il est au moins le plus grand artiste peintre en ce qui concerne la
    cellulosique en France. Et même à l’huile, au pastel, à l’eau ( acrylique ), il
    fait déjà figure de référence de la fin du 20ème siècle, de poète aux
    inspirations inoubliables. En fait, pour être précis, le plus gros de sa
    carrière suit et accompagne les trente glorieuses ( 1948-1978 il me semble ).
    Il s’est forgé un style juste vers la fin des trente glorieuses.

     

     

     

     

     

     

    b) Le monde contemporain

     

    Je dirais que c’est à mes yeux un des derniers artistes sérieux, on le voit, on le
    sent très bien, même si au moment de sa mort et peu après, j’ai connu
    personnellement quelques artistes peintre miséreux, perdus dans les oubliettes
    de l’histoire. Je pense au peintre corse Xavier Roussel, qui était le parrain
    de Nina, mon amie de l’époque, ou encore à un très bon peintre comme Claude
    Rigel, que Nina m’avait fait connaitre, et qui s’était spécialisé sur des
    toiles de Venise qu’il vendait à Drouot. Je veux dire, tous ces petits peintres
    et artistes obscurs et délaissés qui parfois sont excellents dans certains
    domaines, dans des compositions et des couleurs particulières, et dont on fait
    la connaissance par ami(e)s interposé(e)s. J’ai aussi connu de très bons dessinateurs
    de BD et d’Héroïc Fantaisy, les Martin-Boileu Parcheminée, avec qui nous étions
    très amis durant de longues années avant que leur parents ne quittent
    tardivement Arnouville pour aller dans le midi. Le frère ainé est dans la
    bande-dessinée.

    Le destin se charge inopinément d’enterrer les quelques bonnes volontés qui nous
    restent. Lui a surclassé et en partie fédéré son temps. Il avait cette stature,
    cette envergure indéfinissable à laquelle je m’efforce de rendre le minimum
    d’hommage qui lui est du et auquel je souhaite que le public puisse avoir
    accès. C’est d’ailleurs la principale raison qui m’a poussé à entreprendre
    cette œuvre de vulgarisation.

    Manuel Diez était avant tout un grand penseur et un grand poète, il prenait sans cesse
    des notes au crayon dans son atelier. Il faisait toujours fonctionner ses
    méninges, pensait les choses. Dans ce métier dur, on n’a pas le droit de se
    tromper d’interprétation, on n’a pas le droit à l’erreur. Le cachet est
    important, il montre la capacité de l’artiste à surmonter à la fois ses
    préjugés et ses contradictions d’une période à une autre.

     

     

     

     

     

    II. L’après Manuel Diez

     

    Fin 2007, avec Hanifia, ma femme, et Christa, ma mère, nous sommes allé voir
    Günther Grass au centre Georges Pompidou, je me suis aperçu lorsque celui-ci
    lui a dédicacé son livre ( dont le titre est “ Pelure d’oignon“ en français ) à
    la fin du débat de la relative fragilité, de la vulnérabilité qui est celle
    d’un grand écrivain de langue allemande. Il rappelle un peu Schiller ou Goethe.
    La vieillesse ennemie est souvent synonyme de faiblesse, voire de désarroi.
    L’espoir d’un monde meilleur fait vivre avec douceur. Curieux livre que je n’ai
    pas encore lu. Le proverbe dit quant à lui : «  Ne te met pas entre
    l’oignon et sa peau » ( ne te mêle pas des affaires des autres ). Grass fait
    des phrases très longues.

    Au centre Pompidou, un débat réunissait une petite salle. Le débat auquel nous
    n’avons pas assisté jusqu’à la fin était dédié à Fassbinder, et à sa reprise du
    livre Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin. Fassbinder reprend ce livre qui
    l’a fasciné dans un film de 15H30 environs. On y a passé des extraits de film
    de Fassbinder. Amos Gitai, le cinéaste israélien était là, et Anna Schigulla
    n’était pas là mais elle a répondu à une interview par vidéo.

    Günther Grass vit à Gdanzk, l’ancienne Danzig. Ma mère est originaire de l’ancienne
    Prusse orientale comme lui. Elle est née à Kreis Gerdauen et a vécu à Momehnen,
    je ne sais pas si j’écris correctement l’orthographe.

    Vers la fin de sa vie, mon père me faisait certaines réflexions du genre : « traga
    bien el humo » ( avale bien la fumée ), ou encore « Alors, proussien !? ». Il
    avait arrêté de fumer depuis longtemps, et moi je fume encore jusqu’à
    aujourd’hui. J’essaie d’arrêter. Je ne désespère pas d’y arriver.

    Pour autant, comme je l’ai expliqué, j’ai connu une longue carrière sportive d’assez
    haut niveau. Lorsque j’étais à l’armée, j’ai fait la connaissance d’un jeune
    arrière international qui s’appelait Chéron et était de Mautauban. Il avait
    quelque chose comme 8 capes, et son père était également un ancien arrière du
    club France. Je lui avais offert deux disques de Flamenco, un de Roman el
    Granaïno, l’autre de José Peña.

    Et bien dans le match que le colonel avait organisé vers la fin de notre service,
    j’ai joué arrière en face de lui, et nous avons fini par nous imposer comme
    souvent dans mon équipe sur le score de 16-9. J’ai passé un drop et amené un
    essai ou marqué, je ne sais plus exactement, dans le dernier quart d’heure.
    C’est un scénario que j’ai souvent connu.

    Là bas en Allemagne l’ambiance était extraordinaire, nous étions une sacrée bande
    de fêtards et de déconneurs, personne ne pouvait passer dans le couloir sans se
    prendre ou donner des baffes. C’étaient de perpétuels hurlements. Les ch’tis
    étaient des gens adorables, à l’accent irrésistible et pétris d’un fort esprit
    de camaraderie, ils étaient de tous les horizons et de toutes confessions, mais
    unis en un seul bloc linguistico-argotique et culturel.

    Malgré la forte solidarité qui était la notre, car nous étions une bande de copains,
    j’ai été torturé à la fin du service. Je leur ai même tué un naja royal avec un
    cran d’arrêt acheté aux puces. Les gradés ne faisaient pas de cadeaux.
    Politique de terre brûlée oblige.

    Pour autant, même si ma grand-mère est morte à la suite de l’amputation d’une jambe
    durant mon service, on m’a quand même laissé aller à son enterrement à Krefeld;
    j’ai gardé un excellent souvenir de ma section, la 84/06.

     Nous n’avons pratiquement fait que la bringue pendant 12 mois, même si nous ne
    cessions jamais de crapahuter. Quelle foire, quelle rigolade.

    Et c’était déjà des années avant que ne sorte le film de Danny Boom, Bienvenue
    chez les ch’tis.

    «  Ravise at lavette quand tu finque  », me disait t’on, car je fumais. Je n’ai
    jamais réussi à arrêter une bonne fois pour toute. David, qui a été chauffeur
    de taxi pendant quelques temps avant sa mort, a conduit Michèle Morgan et
    Gérard Oury, qui fumait beaucoup aussi je crois. Mon père était un fanatique,
    un fou de Michèle Morgan, il est même allé voir une de ses pièces de théâtre et
    est allé la rencontrer. Elle lui a parlé.

    Quelques années après la disparition de mon père et de mon frère David, je dois dire que
    je me suis marié à une musulmane avec qui je suis depuis plus de 12 ans. Nous
    nous sommes mariés le 11 septembre 2000, un an jour pour jour avant les
    attentats du World Trade Center.

    Nous arrivons à nous entendre même si nous ne sommes pas de même confession car nous
    venons d’horizons différents.

    Les frères musulmans en Algérie sont des gens passionnés, plein d’imagination, de
    poésie et ouverts sur l’extérieur. L’Islam se transmet surtout par tradition
    orale. Un musulman m’a initié et récité des versets du coran alors que j’étais
    allongé. Pourtant je suis un roumi, mais je dois dire que j’ai une grande
    admiration pour cette religion qui cherche toujours à progresser et à
    intéresser les fidèles par son originalité humaine.

     
    Ce sont les plus pauvres qui prêchent, les imams, les musulmans qui font
    connaître cette religion et l’initient aux autres. C’est vraiment une religion
    du peuple, comme chez nous le christianisme en Vieille-Castille.

    Ma femme est assez autoritaire, elle déteste les Bush, Sarkozy et autres
    Bouteflika, c'est-à-dire la majeure partie des dirigeants de confession juive
    les plus puissants du monde au point de vue contemporain, ceux qui ont le plus
    de pouvoir et vont au gré de leur décision.

    Sarkozyest un juif hongrois, issu du nationalisme de Kossuth, un des pires d’Europe.
    Bush a ensanglanté l’Irak et menace de guerre les pays arabes qui ne lui
    conviennent pas.

     Mme Palahvi, la Begum, a répondu à un mail que je lui avais adressé pour la
    consoler de la disparition de sa fille Leila. Les Pahlavi sont une très
    ancienne oligarchie scientifique en Iran, ce sont des astrologues réputés, très
    connus dans le monde arabe si je ne me trompe pas. Ils ont longtemps détenu les
    clefs de l’empire perse. En France, la chanteuse Mylène Farmer a fait une
    chanson sur leur fille.

    Les chinois ont eux parait-il inventé la musique formelle en calculant les
    distances entre les planètes.

    Aujourd’hui les Bush qui ont menacé l’Iran et le monde entier par leur intégrisme ont
    quitté le pouvoir. Sarkozy a entrepris des travaux de plomberie et de
    climatisation pharaoniques pour s’installer aux invalides. Ma femme le déteste,
    il a débauché tout le monde. Sa méthode, sa botte secrète est de débaucher les
    ennemis.

    Bouteflika, qui est un homme de la Mekera, originaire d’Oujda au Maroc, est très populaire,
    mais la corruption sévit partout dans le pays. La spirale du crime est très
    difficile à arrêter. L’Algérie, c’est 34 millions d’habitant, 180 milliards de
    recette provenant du gaz et du pétrole qui ne profitent qu’à 1000 ou 2000 
    nantis. La rente est inégalement répartie.

    Le seul qui me semble toutefois un homme d’état de forte stature est précisément
    Bouteflika. Il a cet avantage sur les deux autres qu’il a remporté brillamment
    des élections, ce qui met un point final aux discussions et aux polémiques.

     Disons que l’Algérie est une république populaire et qu’il dispose d’une très
    puissante légitimité.

    Mais il place ses pions à tous les postes intéressants. C’est comme toujours en
    politique, chacun place les siens.

    Je me suis intéressé dans le cas de l’Algérie, qui est le premier pays d’Afrique
    ou je me sois rendu, aux crues soudaines et courtes de la Mekera. Il suffit
    d’une courte pluie.

    Au début, j’avais pensé à l’utilisation de pompes, mais cela nous amenait plutôt à
    du PVC qu’à de la fonte. Puis, des géologues m’on dit qu’on règle ces questions
    à l’aide de drains naturels. C’est ainsi que l’on capte l’eau. Mais les
    cabinets de géologues ne travaillent pas et ne partent pas sur les mêmes bases
    de calcul. D’ailleurs les résultats ne sont pas les mêmes d’un cabinet à l’autre,
    rien qu’en France. Alors, d’un pays à l’autre, les études diffèrent quand même
    assez sensiblement.

    Je crois, ayant travaillé comme chargé d’affaire, que c’est un très bon sujet pour
    les bureaux d’études du futur. Domestiquer l’eau, la drainer, la capter pour
    ensuite la traiter est un tâche importante.

    Toutes ces digressions pour dire qu’en quelque sorte, on pourrait nous faire le procès
    d’être une génération médiocre qui a cédé le pas aux autres ou renoncé à
    exercer un quelconque pouvoir. Ce n’est pas tout à fait vrai et il convient de
    tempérer ce genre de point de vue.

     
    Par exemple lorsque j’ai rénové l’appartement des Montebello, qui descendent
    d’une classe italienne liée à la noblesse, ils ont fait des pièces de théâtre
    et des représentations pour le tzar Nicolas II.

     
    Je suis et parfois accélère le mouvement en tâchant d’être pertinent et
    innovateur, j’ai parfois été un fusible, car je faisais souvent les grecques à
    l’atelier, enfin presque toujours, et aussi le principal soutien de mon père.

     J’étais le seul à le suivre partout et avec enthousiasme dans ses livraisons avec une
    abnégation sans faille, là ou ce n’était pas le cas de mes deux frères et de ma
    mère. Par exemple l’année ou il a peint dans les Calanques à Marseille et en
    Camargue, et a exécuté bon nombre de pastels, nous avons passé un mois de
    vacances extraordinaires tous les deux. Nous étions seuls à être monté dans la
    montagne lorsqu’il y eut un important incendie, et nous avons du redescendre
    des falaises rocheuses avec la tramontane déchaînée. C’est dire ce que font et
    les risques que prennent parfois les artistes pour aller jusqu’au bout de leur
    métier et de leur passion débordante.

     J’ai lu le livre de Boris Koseleff, « Rasputin  », en allemand, et je dois dire
    que le Starets ( religieux russe ), qui était un fermier originaire de Sibérie,
    le principal et pour ainsi dire pratiquement l’unique proche conseiller du
    tzar, enfin le plus influent, et il allait souvent voir des concerts tziganes,
    reste une des premières personnalités attachées vers cette époque à la paix,
    même si on lui impute c’est vrai l’effondrement catastrophique du tzarisme. En
    fait c’est la tzarine qui restait attachée à lui, et le tzar aussi, c’est lui
    qui les protégeait et concentrait tous les pouvoirs mondains de Saint-Pétersburg.

     Rasputine a tout de même été assassiné alors qu’il priait devant un crucifix, par
    Youssoupof je crois, ce qui sera le prélude de la révolution bolchevique. Le
    majordome de la baronne n'était pas loin du lieu du crime ce jour là.

     Après lui et ce que l’on sait qu’il advint des tziganes sous pas mal de régimes, il
    faudra attendre des artistes de variété comme Manitas de Plata, ou l’immense et
    extraordinaire, indescriptible Chano Lobato, pour assister à une suprématie
    sans partage, tout au moins à une résurgence des gitans. Je veux dire par là un
    niveau minimum de vulgarisation.

    Chano Lobato est un monument, un artiste immense, au talent faramineux. C’est
    réellement un véritable monstre sacré du flamenco le plus pur qui soit, comme
    El Camaron et tant d’autres. Je l’avais vu au cirque d’hiver il y a longtemps,
    en 83 me semble t'il. Je ne l’ai pas reconnu par contre sur le web, sur le
    clip. El Pele est un autre grand artiste, non pas de " jaleos " comme
    Chano Lobato, mais de " tonas ". Je l'ai vu à Paris aussi, avec
    Vicente Amigo. Il y a aussi un artiste moderne de haute volée, Bernardo
    Sandoval.

    Rasputine, qui aimait beaucoup danser, par exemple avec des polonais, est le premier à
    avoir pris sous sa coupe autant la famille impériale que les tziganes, même si
    tout s’est soldé par un échec. Il n’y a pas eu d’autre exemple il faut bien le
    dire. Rasputine jouait même avec les enfants du tzar. Le tzar était très
    attaché à lui, il aura peu de militaires comme Nicolas Svidine à son service.
    Poniatowki, l’ancien maire de l’Ile Adam, était un polonais ou un russe blanc
    je crois. Il y a beaucoup de russes blancs qui sont venus en France.
    L’exposition dédiée à Lartigue se trouve là bas il me semble. Ses tableaux sont
    très beaux et ses photos réussies.

    Raspoutine était le verrou qui ne devait pas sauter même s’il n’en faisait qu’à sa tête et
    dirigeait sa vie comme il le voulait de manière plutôt dissolue il est vrai.

     Il y a un autre château important ou Mme la baronne avait des amis en
    Ile-de-France ou beaucoup de personnalités de premiers plans sont allées et se
    sont rencontrées. Elle avait aussi des relations, qui allaient me semble t’il
    jusqu’à Maurice Couve de Murville ou Louis De Broglie. C’est tout dire.

    Et une femme de sa famille avait épousé un noble allemand, un hobereau, juste à
    coté du village ou vivent Dieter et Gerda, ma tante. Ma mère l’a vu sur un
    tableau, lors d’une exposition. C’est dire comme le monde est petit, et comme
    la noblesse s’étendait partout en Europe.

    Ce qui caractérise par contre Manuel Diez Matilla, en dehors de son désintérêt
    pour le pouvoir, c’est tout de même son écoute des problèmes culturels et
    politiques, tout autant que son sérieux et sa grande rigueur. Il n’est quand
    même pas en dehors de son temps, mais au contraire impliqué corps et âme dans
    la formidable révolution picturale qu’il a su apporter. Là est tout le
    contraste artistique.

    C’est vraiment le peintre qui s’est intéressé aux coloris et à la couleur, à la
    propreté de l’utilisation des couleurs, avec des décors aussi ahurissants que
    surprenants. Je l’ai vu faire des décors fabuleux, irréels.

     C’est ce qui l’a renforcé toute sa vie. Car dans le monde ou nous vivons la
    concurrence est rude. Si vous n’avez pas quelques créneaux qui vous aident à
    passer au dessus des autres vous êtes foutu.

    C’est
    comme moi aujourd’hui en clim et en plomberie. Je suis pour ainsi dire
    projeteur P3-P4, chargé d’affaires et chiffreur même.

    Une fois j’avais payé les places pour le concert de Manitas de Plata à
    Villiers-le-Bel. J’avais invité mes frères et les employés aussi. Pédro Perez
    est l’employé qui est resté le plus longtemps avec mon père, c’est lui qui
    ponçait le plus souvent, avec Ramon, aussi bien à sec qu’à l’eau froide. Les
    derniers coups de ponce, c’était souvent lui.

     
     Il venait en vacances à Deauville avec nous parfois lorsque nous devions
    livrer là bas. Nous passions toujours quelques temps au bord de la mer.
    D’autres amis sont venus avec nous à Biarritz aussi. Il s’est retiré dans le
    midi, ou il a créé sa petite entreprise de décoration, dans le polyester.

    Si mon père était un immense artiste, il était malheureusement un très mauvais
    gestionnaire. Les employés devaient monter la poubelle en haut du chemin des
    Condos.

    Parfois ils n’hésitaient pas à subtiliser des pots de laque qu’ils glissaient dans
    celle-ci.

    Ils le volaient aussi à l’atelier, mais globalement mon père était un patron fier
    et solidaire de ses employés, même s’ils lui en ont fait voir de toutes les
    couleurs.

     Comme le disait ma tante Maruja, ou tout au moins le laissait entendre, et elle aussi
    est une très grande artiste, ce métier est particulièrement dur.

     Les tournées sont harassantes, même si parfois elles sont triomphales. Dans ce
    métier si le public est avec vous tout va bien. Une fois elle a fait une grande
    tournée en Espagne, ou une symphonie de Beethoven était jouée à chaque étape.

     Elle a dit, et je lui donne raison, car le répertoire hispanique est immense, que
    Beethoven était un assassin de la musique. La 9ème est d’ailleurs passée au
    stade de France.

    C’est vrai, il y a quelque chose de très froid chez Beethoven, en rupture avec les
    fonds sonores traditionnels. Il y a même sans doute un certain refus de la
    modernité ou un manque de ferveur de temps à autre. Il a comme mis la musique
    dans une boite hermétique.

    Je dirais qu’il a comprimé la sonate, qu’il a révolutionnée 400 fois.

    Karajan ne prenait pas de femmes, ou rarement dans son orchestre. Je lui préfère
    presque Otto Klemperer et quelques autres. Mozart est lui doux, enlevé et
    vigoureux. C’est un immense génie aussi.

    Hanifia adore Mozart, elle l’écoute inlassablement. Nous écoutons beaucoup ses
    concertos pour clavier dans la voiture.

    Ce métier, dont on assure la vulgarisation par la communication, enfin comme on
    peut, car tout se passe par bouche à oreille nécessite un profond respect pour
    le public et les clients.

    Lorsqu’on vend un meuble ou une table ou autre chose à un gros client, souvent il invite
    ses proches ou ses amis, et eux aussi voient les décors, ce que c’est
    exactement.

     Après ils veulent commander un meuble aussi, mais différent sur les points de leur
    choix.

    Il faut essayer d’être diplomate et d’agir avec tact et prévision, faire jouer la
    jalousie féminine par exemple. Mais il ne faut jamais abandonner le client tant
    qu’on n’en a pas terminé avec lui. Quelqu’un qui achète chez vous doit être une
    personne sacrée, c’est la règle.

     
    C’est comme ça dans tous les milieux, le client est roi. S’il se rétracte vous
    coulez et vos employés avec vous. C’est à vous de l’en empêcher et de lui
    proposer et lui demander ce qu’il veut. L’amour du public est primordial dans
    ce métier.

    Manuel Diez était l’homme d’une profonde mutation, d’une intense réflexion picturale
    et psychologique, même si certains n’aiment pas les arts figuratifs comme ils
    disent.

    Des artistes très modernes l’admiraient, car la liberté est à ce prix.

     Elle réclame un travail fondamental.

    Ethos, pathos, logos. Ou encore singularité, personnalité, puis sensibilité et enfin
    logique. L’œuvre de Manuel Diez Matilla traite toujours très indirectement les
    différents sujets abordés sur ces bases, avec une esthétique très particulière.

    René Descartes, dans les passions de l’âme, traite aussi déjà des mouvements
    désordonnés. C’est la dernière œuvre de Descartes publiée de son vivant. Elle
    fait l’objet d’une première tentative d’explication psychophysiologique du
    mécanisme des passions.

    Hors Manuel Diez est l’artiste de la passion.

    Sur les photos page suivante qui suivent on le voit dans le rôle de souffleur au
    théâtre. Lorsqu’il était jeune il faisait du théâtre. Une des pièces était très
    drôle et tous les acteurs étaient habillés en légumes. Chacun avait un costume
    spécial et était un agrume.

    Il a joué dans d'autres pièces, comme jeune premier.

     

     

     

     

    Photo de jeunesse.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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